Voici comment est née la Kawasaki 900 Z1

Ceci n'est pas une histoire ordinaire. C'est l'histoire d'un navire au bord du naufrage, qui devra être entièrement reconstruit, pour devenir un magnifique paquebot ...

Yoji Hamawaki, Vice-President Kawasaki Motors Corporation

 

 

Voici l'histoire.

Voici comment est née la Kawasaki 900 Z1.

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Yoji Hamawaki Vice-Président de K.M.C. de 1966 à 1978
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De vilains petits canards et de vieilles mules 

 

Il fait -20° à Chicago en ce matin de janvier 1966.

Yoji Hamawaki, responsable en chef de Kawasaki Aircraft Co Ltd (K.A.C.) aux Etats-Unis se rend à pied à son bureau, au 28 South La Salle Street.

Il s’interroge :

Que faire des milliers d'invendus, importés l'année précédente du Japon et entassés dans un hangar en Alabama ? 

Il entend encore les paroles de son responsable des ventes :

Ce ne sont que de vilains petits canards qui se dandinent sur la route. Ce ne sont pas de vraies motos !

Des mots bien plus glacials que le vent du matin.

De vilains petits canards ?

La 85cc J1, monocylindre 2 temps, développant 7 CH.

La 125cc B8, monocylindre 2 temps, d’une puissance de 8 CH.

Ces machines sont issues du partenariat entre Kawasaki et Mehatsu.

Entre 1955 et 1960, les 125 B7 étaient vendues sous la marque Mehatsu, leur moteur et leurs suspensions étaient déjà fabriqués par Kawasaki.

Dans sa volonté de développer une branche moto, Kawasaki a racheté Mehatsu et fabriqué les 125, renommées B8, siglées Kawasaki à partir de 1962.

De petits utilitaires, conçus au début des années 50, pour le marché japonais.

Des engins inadaptés au marché américain.

Mais c’est tout ce que Kawasaki produit à cette époque …

La 650 W : pas mieux que la 125 B8

A partir du printemps 1966, Kawasaki commercialise aux Etats-Unis la nouvelle 650 W1.

Un bicylindre 4 temps culbuté, extrapolé de la 500cc Meguro K2.

Meguro est une autre marque japonaise, rachetée par Kawasaki, en Novembre 1964.

Cette 650 vient compléter la gamme des vilains petits canards.

Hélas, la W1 (un seul carburateur) puis son évolution, la 650 W2SS (Super Sport à 2 carburateurs), s'avèrent décevantes : vibrations moteur, fuites d’huile et performances anémiques.

La 650 W1 développe 47 CH.

La 650 W2SS, 52 CH.

Leur vitesse de pointe est de l’ordre de 140 km/h.

Elles font penser à de vieilles mules    se traînant au bord des autoroutes américaines.

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Hamawaki n’a qu’une idée en tête :

Ne jamais abandonner.                Même si nous avons perdu le marché domestique japonais, nous pouvons encotre gagner le marché américain.

Kawasaki Aircraft Co Ltd (K.A.C.) est le dernier des quatre grands constructeurs japonais à s’être lancé dans l’industrie motocycliste, au milieu des années 50.

C’est le seul des quatre constructeurs japonais principaux à ne pas dépendre d’un groupe automobile.

Le département moto produit des machines commercialisées sous le nom de Kawasaki depuis 1962.

Installée aux Etats-Unis depuis le début des années 60, Kawasaki n’occupe que 2% du marché domestique U.S. à la fin de la décennie.

C’est un échec patent.

K.M.C. : une solution de marketing à l'américaine.Avec des américains.

Bien décidé à bousculer les habitudes des compagnies japonaises, le responsable de Kawasaki aux U.S.A. soumet une proposition radicale à son grand patron, Yotsumoto, dans le but de conquérir le marché américain : Hamawaki suggère de recruter des collaborateurs américains.

Après l’échec aggravé des vilains petits canards, après le raté des vieilles mules, Hamawaki conclut que le département moto de Kawasaki ne survivra pas s’il continue d’appliquer la politique "maison".

Une solution de marketing à l’américaine doit être mise en oeuvre, avec et par des américains, des spécialistes des méthodes de ventes U.S. et du marché américain.

Après une étude menée par Sam Tanegashima, Hamawaki réussit à convaincre le directeur du siège à Akashi, R. Iwaki, de mettre fin aux activités de K.A.C., la filiale américaine existante, basée à Chicago.

En mars 1966, malgré quelques doutes sur les véritables intentions d’Hamawaki, la direction générale de Kawasaki Japon le suit sur cette voie et approuve la création d’une nouvelle compagnie, de droit américain, American Kawasaki Motorcycle Corp. (K.M.C.)

Cette "révolution" représente un investissement conséquent, de 5 millions de dollars U.S. – soit 37 millions de dollars de nos jours.

K.M.C. pourra dorénavant vendre directement les motos de la marque à travers un réseau de concessionnaires spécialisés qui reste à créer.

Elle ne devra plus passer par les grands distributeurs régionaux US, plus intéressés par la vente de grosses automobiles américaines que par la commercialisation de petites motos japonaises, quasi inconnues.

En s’implantant aux Etats Unis au début des années 60, Kawasaki s’était attaché les services des grands distributeurs automobiles américains, pour deux raisons :

- la première, évidente : bénéficier d’un réseau existant couvrant l’ensemble de l’immense territoire U.S.

- la seconde, moins connue : les distributeurs U.S. disposaient d’énormes réserves de trésorerie. Les constructeurs japonais avaient besoin de devises, ils étaient prêts à consentir d’importantes remises, à condition d’être payés cash

 

Hélas pour l’usine, les petites Kawasaki n’intéressaient personne aux U.S.A.

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15205 South Main Street, Gardina, Californie

Le "Market In" succède au "Product Out"

En novembre 1966, K.M.C. obtient sa licence d’importation et de vente sur le territoire américain.

La nouvelle compagnie s’installe 15205 South Main Street à Gardina, en Californie, où se trouvent déjà de nombreuses sociétés japonaises.

K.M.C. recrute un jeune manager général américain, Alan Masek, ancien distributeur de la marque dans le Nebraska.

Agé de 28 ans, celui-ci accepte de quitter le Nebraska pour s’installer en Californie.

Il s’entoure rapidement d’une petite équipe de commerciaux, tous natifs des Etats Unis.

Pour rattraper son retard et réussir face aux autres constructeurs japonais, Hamawaki est persuadé que la solution passe par la mise en place d’une équipe composée de natifs américains, pleinement impliqués et motivés, fonctionnant non plus à la japonaise, mais selon les pratiques des compagnies américaines.

Un nouveau plan de développement est élaboré, adapté aux besoins et à la demande du marché américain, c’est le "market in" qui succède au "product out".

Jusque-là, le "product out" consistait à concevoir des motos pour le marché domestique japonais, puis dans un deuxième temps, à les exporter aux Etats Unis, sans tenir compte des attentes du marché U.S.

Le nouveau concept de "market in" doit permettre d’associer la force de production du constructeur d’Akashi au savoir-faire marketing de l’équipe U.S.

Kawasaki pour le Midwest, basé à Grand Rapids, Michigan, reste associé à ce nouveau processus de management à l’américaine.

Par des américains.

250 A1 Samouraï : la carte maîtresse 

A la même époque, une nouvelle moto de route, la 250 A1, va permettre à Kawasaki de s'offrir un premier succès, sur le sol américain.

Présentée au public en mai 1966, la 250 A1 a d’abord été développée pour le marché domestique Japonais.

Dans le but de commercialiser la 250 A1 aux Etats Unis, une moto de pré-série est testée en secret, en Oklahoma et au Texas.

La 250 A1 est la première moto complète, réellement conçue par Kawasaki, qui s’appuie sur son expérience en compétition : depuis 1965, Kawasaki est présent en 125 Grand Prix.

La marque applique à la série, le concept de moto sportive, rapide et légère.

Le moteur est un bicylindre 2 temps, à distributeur rotatif.

Ce système d’admission représente un surcoût de développement et de production.

Mais sur le plan technique, il permet de s’affranchir de la symétrie du temps d’admission par rapport au point mort haut (admission classique).

Cela procure un gain de puissance et de performance appréciable, malgré une largeur accrue au niveau du moteur.

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Pour K.M.C. la 250 A1 représente la moto de la dernière chance : en cas de nouvel échec commercial, il est probable que la direction générale du groupe mette un terme définitif aux activités du secteur moto.

Hamawaki, qui vient juste de restructurer l’importation et la distribution des Kawasaki aux Etats Unis, est contraint de se tourner vers la Banque de Tokyo à Los Angeles, pour financer l’importation de ce nouveau modèle aux Etats Unis.

En effet, le département financier de K.A.C. (Kawasaki Japon) refuse tout simplement de garantir ce nouvel investissement.

Convaincus par le potentiel de ce nouveau modèle, mais aussi par l’implication d’Hamawaki, les dirigeants de la Banque de Tokyo acceptent de financer le projet.

A la plus grande surprise d’Hamawaki !

La 250 A1 sera donc importée aux U.S.A.

Elle est aussitôt rebaptisée "250 Samouraï", patronyme choisi par l’équipe américaine d’Alan Masek, nettement plus vendeur que l’appellation d’origine : 250 A1.

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La jeune équipe de K.M.C. doit maintenant faire preuve d’imagination pour convaincre les revendeurs locaux de faire la promotion de ces nouvelles machines.

Ces derniers, désabusés par les échecs successifs des vilains petits canards et des vieilles mules, ne croient plus guère aux possibilités d’installer durablement la marque d’Akashi sur le sol américain.

K.M.C. parvient à les persuader en leur proposant un accord d’exclusivité (A.K.M. Dealer Agreement 1966/67), et en leur faisant miroiter qu’il s’agit d’un tout nouveau modèle qui préfigure une gamme encore plus innovante à venir.

L’accent est mis sur les résultats de Kawasaki en compétition et sur la filiation directe de la 250 Samouraï avec la moto de Grand Prix.

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Présentation de la 250 S1 Samouraï aux distributeurs U.S.

Le système d’admission par distributeur rotatif est également mis en avant.

Il  constitue un argument commercial non négligeable.

Enfin et surtout, ce sont les qualités intrinsèques de ce petit bicylindre sportif qui permettent à Kawasaki de remporter un premier succès commercial sur le marché américain.

La 250 Samouraï développe 31 CH à 8 000 tr/mn, elle est capable d’atteindre 160 km/h en vitesse de pointe.

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Autrement dit, elle marche presque aussi fort que la plupart des grosses cylindrées anglaises qui dominent le marché !

Et pour un prix nettement inférieur à ses concurrentes.

 

Malgré quelques défauts (étagement de la boîte de vitesses, système de graissage séparé) la 250 Samouraï s’impose sur le marché U.S.

Cela renforce la collaboration entre les "vendeurs américains" de la filiale U.S. et les "techniciens japonais" de l'usine.

 

Dans la foulée, l’usine développe la gamme A, que l’équipe marketing U.S. se charge de promouvoir :

- la 250 A1SS, version Super Sport de la 250 A1

- la 120 C2TR, premier "trail-bike" (tout terrain homologué sur route) réalisé par un constructeur japonais

- la 350 A7 bicylindre 2 temps à distributeur rotatif

- la 350 A7SS Avenger, version Super Sport de la 350 A7

- la 250 A1R, véritable compé-client d’une puissance de 43 CH, dérivée de la moto de Grand Prix

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350 A7 Avenger  :  essai transformé 

La 350 A7 apparaît en 1967 et reçoit l’appellation "350 Avenger".

La moto bénéfice d’une nouvelle boîte de vitesses qui permet de mieux exploiter le moteur de série le plus puissant de sa génération : 40,5 CH (soit 115 CH/L).

Le système de lubrification, désormais appelé Injectolube, est en nette amélioration.

Il est en partie emprunté à l’A1R de course et lubrifie directement le bas moteur – le système de lubrification de la 250 A1 Samouraï se contentait d’envoyer l’huile au niveau des carburateurs.

 

La 350 A7 Avenger permet à Kawasaki de confirmer le succès initié par la 250 A1 Samouraï.

Elle contribue à forger la réputation de la marque en matière de motos sportives et de hautes performances.

Les 250 A1 Samouraï et 350 A7 Avenger s’inscrivent parfaitement dans le segment des moyennes cylindrées, principal marché des années 1965 à 1968.

La gamme A se vend également bien en Europe ou Kawasaki, par l’entremise d’Itoh Trading (une société intermédiaire) développe un réseau de distributeurs autonomes : SIDEMM en France, Detlev Louis en R.F.A., etc …

 

Il faut toutefois relativiser la portée de ce premier succès : Kawasaki exporte 14 700 motos quand Yamaha en exporte 118 000, Suzuki 186 000.

La production de Kawasaki est passée de 9 261 unités en 1960 à 48 745 en 1965.

En 1965, Yamaha produit 341 000 unités, Suzuki 488 000 unités.

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Yukio "HP" OTSUKI : acteur essentiel chez Kawasaki

En avril 1967, Yukio Otsuki est un jeune ingénieur, tout juste diplômé.

Il rentre d’Aix La Chapelle, en Allemagne de l'Ouest, où il a étudié à l’université.

Sa spécialité : les turbines et les flux.

De retour au Japon, Otsuki intègre le département moto de Kawasaki.

Il commence par diriger le service compétition (Race Manager) puis réintègre l’usine d’Akashi pour accéder au rang d’ingénieur en chef chargé des motorisations.

Ses compétences, son ouverture d’esprit, ses qualités de leader et son acharnement à concevoir "les meilleures motos du monde" vont faire de lui l’un des acteurs principaux de l’élaboration des nouveaux modèles de la marque.

Et de son spectaculaire redressement.

 

Yukio Otsuki, ingénieur en chef à l’usine d’Akashi, et Alan Masek, manager général de K.M.C. en Californie, acquièrent rapidement un haut niveau de respect et de confiance l’un envers l’autre.

Cela va permettre une bonne communication et une étroite collaboration.

Au service de la marque.

 

Après les premiers succès rencontrés par la gamme Samouraï et Avenger, Alan Masek (manager général) et Don Graves (directeur des ventes) attendent de l’usine Kawasaki un nouveau modèle sport-touring, capable de séduire les utilisateurs de Triumph Bonneville, de BSA et de la toute nouvelle Honda CB 450, une moto proposée à un prix attractif et offrant un haut niveau de performance (44 CH, 170 km/h).

500 Mach III : la moto dont le marché américain a besoin, au tarif où elle peut être vendue

En Avril 1967, Hamawaki demande à l’usine de travailler sur un nouveau modèle répondant au cahier des charges suivant :

- cylindrée : 500cc

- puissance : 60 chevaux

- 400 m D.A. en moins de 12’

- prix de vente inférieur à 1 000 dollars U.S.

Et surtout, la future Kawa ne devra ressembler à aucune moto existant sur le marché !

Plutôt que de sortir une super Avenger, bicylindre 2 temps de 500 cc, au concept mécanique risqué (250 cc de cylindrée unitaire) et à l’intérêt marketing limité, M. Morita, numéro deux de Kawasaki à Akashi, suggère de développer un tout nouveau moteur 3 cylindres transversal 2 temps.

Le projet porte le nom de code N100 et donnera naissance à la 500 Mach III.

Le modèle connaîtra cette fois un immense succès, au niveau mondial

 

Le projet N100 est confié au jeune ingénieur en chef, Otsuki.

C’est une grosse prise de risque pour le constructeur.

K.M.C. obtient de l’usine que le design – la ligne générale et la décoration – de ce futur modèle, soit élaboré aux Etats-Unis, afin de mieux coller aux attentes des utilisateurs U.S.

Ce qui représente une première pour un constructeur japonais.

K.M.C. souhaite également que les tests des modèles de pré-production soient réalisés sur le sol américain.

Pour les mêmes raisons.

Alan Masek demande que la future 500 soit équipée du tout nouvel allumage électronique de type C.D.I. (Capacitive Discharge Ignition) fréquemment utilisé sur les moteurs de bateau.

Prototype 500 SS
Prototype 500 SS

Le projet N100 marque un changement radical pour Kawasaki : la 500 Mach III est élaborée comme la moto dont le marché américain a besoin, au tarif où elle peut être vendue.

Il ne s’agit plus comme auparavant d’un modèle défini par les ingénieurs japonais pour le marché domestique japonais, puis proposé, dans un second temps, à l’exportation.

Avec la Mach III, les américains de K.M.C. ont défini un produit "gagnant" que les ingénieurs japonais de K.A.C. ont eu pour tâche de réaliser, le plus fidèlement possible, afin que Kawasaki se relance de manière durable, dans la conquête du marché moto américain.

C’est cette étroite collaboration trans-pacifique qui a permis d’obtenir un résultat "gagnant-gagnant".

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Une stratégie à deux voies

A la fin des années 60, le marché américain est prêt à s’ouvrir aux grosses motos de route.

Il va également s’ouvrir à de nouveaux segments, notamment celui des motos tout-terrain (cross) et des trails-bikes (dual purpose).

Pour le moment, Honda domine le segment des motos routières : CB 450, CB 750.

Yamaha celui des motos tout-terrain avec sa 250 DT1, lancée en mars 1968.

Kawasaki qui a enfin connu ses premiers succès avec la gamme Samouraï et Avenger, voit ses ventes exploser avec l’introduction de la 500 Mach III.

Un succès qui se confirmera ensuite avec l’apparition de la 750 H2, encore plus puissante, encore plus performante.

L’utilisation de ces modèles en compétition (500 H1R puis 750 H2R) permet à Kawasaki de renforcer son image sportive.

Le marché U.S. est prêt pour une grosse cylindrée

Les revendeurs Kawasaki appellent alors de leurs voeux un modèle quatre temps de forte cylindrée, capable de venir coiffer la gamme la plus sportive du moment.

Cela s’avère d’autant plus nécessaire que l’Etat de Californie s’apprête à adopter à terme, des mesures limitant le bruit et la pollution des autos et des motos.

De telles mesures vont pénaliser les moteurs 2 temps et favoriser le développement des moteurs 4 temps.

Hamawaki considère pour sa part que Kawasaki est en mesure de s’imposer sur le segment des grosses cylindrées, un segment prometteur mais encore marginal à cette époque :

- la principale force de Kawasaki réside dans sa puissance industrielle créatrice, au niveau des motorisations

- la faiblesse du constructeur d’Akashi tient à sa capacité de production limitée, par rapport à ses concurrents japonais, notamment concernant les petites cylindrées et les segments marginaux (tout-terrain, trails-bikes).

- sur le plan financier, les estimations de retour sur investissement semblent valider "l’option" grosse cylindrée, ce que confirme également Y. Yotsumoto, responsable en chef au Japon.

 

A partir de cette époque, la stratégie de développement de Kawasaki s’effectue sur deux voies parallèles :

- motorisation 4 temps pour la gamme routière

- motorisation 2 temps pour la gamme tout-terrain et trails-bikes

Cette stratégie sera appliquée durant les années 70.

Elle donnera naissance à la gamme routière : KZ400, KZ650, KZ750, 900Z1, KZ1000, ...

Et aux modèles trails-bikes : 175 F3 Bushwacker, 250 F5 Bison, 350 Big Horn, 450F12MX, ... 

De bonnes nouvelles du Japon

Tout en démarrant le projet N100 (500 Mach III) en avril 1967, Yukio Otsuki, ingénieur en chef du projet, a également conscience qu’une 750cc 4 temps sera bientôt nécessaire.

Yukio Otsuki et l’ingénieur motoriste 4 temps, Ben Inamura, commencent à travailler, en parallèle, sur un nouveau projet baptisé N600 : un inédit moteur 4 temps, 4 cylindres en ligne, capable de développer 100 CH/L (75 CH pour la version 750cc).

Après une année de travail, le moteur soumis au banc de puissance, atteint son objectif initial.

Nous sommes en mars 1968.

Les motoristes d’Akashi sont désormais convaincus qu’ils peuvent concevoir un moteur de grosse cylindrée, à la fois fiable et performant.

 

En avril 1968, T. Yamada, chef motoriste, et Yukio Otsuki, ingénieur en chef, se rendent chez K.M.C. aux Etats Unis, dans le but de sonder l’intérêt des américains quant à l’élaboration d’une grosse cylindrée à moteur 4 temps.

L’équipe U.S. accueille le projet avec enthousiasme, redéfinissant même le cahier des charges :

- la future grosse Kawa aura une cylindrée de 750 à 850cc

- elle devra atteindre la vitesse de 120 MPH (193 km/h)

- parcourir le 400 m D.A. en moins de 13’

- son poids à sec devra être inférieur à 425Ibs (192 kg)

- elle devra être proposée à un tarif inférieur à $1495

- elle viendra coiffer la gamme Kawasaki, en complément de la 500 Mach III

 

L'usine et sa filiale américaine s’entendent sur le développement complet d’un prototype équipé du moteur 4 temps N600.

Comme pour la 500 Mach III, Kawasaki U.S. est chargée de travailler sur les détails et la ligne générale de la moto.

Ce travail est effectué en Californie, par Don Mc Farland’s Design Associates

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Dès cette époque, le moteur de la future grosse Kawa comporte déjà un double arbre à cames en tête.

Quant à son design, il se situe à mi-chemin entre la 500 Mach III et la MV Agusta 750.

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Le "steak" grésille dans la cuisine

Lancé au printemps 1968, le projet N600 est frappé en plein vol, au mois d’octobre de la même année.

Lors du Salon de Tokyo, Honda dévoile en exclusivité mondiale sa toute nouvelle CB 750 à moteur 4 temps 4 cylindres en ligne.

Le secret a été bien gardé : la nouvelle fait l’effet d’une bombe !

La conception et la disposition du moteur de la Honda sont identiques au projet N600 élaboré par Kawasaki.

Les dirigeants de Kawasaki doivent impérativement reconsidérer le projet N600.

Il n’est pas envisageable pour la marque d’Akashi de suivre, ni de copier le concurrent Honda.

Décision est prise de suspendre provisoirement le projet N600.

En mars 1969, Hamawaki demande tout de même à Sam Tanegashima d’effectuer une étude de marché aux U.S.A. afin de définir les caractéristiques d’une future grosse cylindrée à moteur 4 temps, compte tenu de la situation nouvelle suscitée par l’apparition de la CB 750 Honda.

Sam Tanegashima consulte une trentaine de concessionnaires U.S., toutes marques confondues, répartis sur neuf Etats.

A l’époque la revue Cycle World laisse filtrer l’information : l’usine travaille sur un projet de bicylindre 4 temps d’une cylindrée de 850cc.

Tanegashima dément, mais cela fait bien son affaire et lui évite de fournir plus d’informations à ses interlocuteurs.

Il sollicite aussi l’avis de journalistes américains de la presse spécialisée.

Les réponses qu’il recueille sont extrêmement variées :

- la plupart des revendeurs Honda considèrent que Kawasaki doit rester un constructeur de motos 2 temps et s'engager encore plus loin dans cette technologie

- les professionnels, toutes marques confondues, considèrent que l’avenir s’ouvre aux grosses routières 4 temps de 1 000cc

- les revendeurs du Midwest, dont la clientèle profite des grands espaces vierges, demandent un gros mono trail 4 temps

- un revendeur du Texas demande une copie, en mieux, de la CB 350. Il assure pouvoir en vendre des milliers … 

 

De retour à son bureau, Tanegashima s’isole quelques jours pour rédiger son rapport.

Il réunit les trois responsables de K.M.C. pour leur annoncer qu'après réflexion, la priorité est un trail mono-cylindre 4 temps d’une cylindrée de 400cc. La demande pour une grosse cylindrée de plus de 750cc lui apparaît comme un second choix !

Hamawaki, Masek et Graves sont stupéfaits.

Ils restent sans voix.

Don Graves est le premier à s’écrier : 

Bon Dieu Sam, je savais que tu étais fou, mais pas à ce point !

Hamawaki prend la parole :

Sam, nous t’avons demandé de nous rapporter du steak, mais ceci n’est que du homard. Peut-être que le homard a bon goût, mais ce n’est pas ce que nous voulons !

40 ans plus tard, Hamawaki se souvient : 

Nous sommes tous partis à rire et depuis ce jour-là, "Steak" est devenu en interne, le nom attribué aux grosses routières multicylindres et "Homard" le nom des trails monocylindres …

Dès lors, la future grosse Kawasaki portera le nom de code "New York Steak"

Qu’est devenu le "homard" ?

Kawasaki réalisera un prototype de mono 4 temps qui ne sera jamais commercialisé.

C’est Yamaha qui lancera sa 500 XT en 1976 et s’octroiera la meilleure part de ce marché, notamment en Europe et au Japon, pendant de nombreuses années.

 

Et la copie de CB 350 ?

Kawasaki reprendra l’idée et commercialisera la KZ 400, bicylindre 4 temps qui connaîtra un immense succès aux U.S.A. et rapportera de gros bénéfices.

 

Tanegashima s’interroge encore aujourd'hui : fallait-il choisir le "steak" ou le "homard" ?

 

Tanegashima s'interroge encore aujourd'hui : fallait-il choisir le "steak" ou le "homard" ?

A la suite du rapport de Tanegashima, de nombreuses réunions se succèdent.

En août 1969, Otsuki se rend aux Etats-Unis chez K.M.C.

Il se souvient de ses propos :

Peu m’importe qu’on parle d’homard, de crevette ou de menu fretin, je n’ai aucune envie de travailler sur une copie de Honda CB 350 !

Les personnels de K.M.C., vendeurs et techniciens, sont consultés, sous le sceau de la confidentialité.

Plusieurs configurations moteur sont envisagées :

- 3 cylindres en ligne : dans la continuité de la 500 Mach III

- 4 cylindres en V : les autos à moteur V8 sont très populaires aux U.S.A.

- 4 cylindres en carré : à l’image des moteurs Ariel

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Prototype Kawasaki 750 Square Four, 2 temps, 4 cylindres en carré, refroidissement liquide

HP "Horse Power" OTSUKI

L’usine souhaite porter la cylindrée à 900 voire 1 000cc.

Le choix sera finalement laissé à l’équipe motoriste d’Otsuki.

Les réunions se succèdent et ne débouchent sur aucune prise de décision.

L’ingénieur en chef Yukio Otsuki rappelle que le temps est précieux et qu’il vaut mieux le consacrer au travail qu’aux palabres interminables …

Les japonais se parlent entre eux, en japonais, ce qui irrite profondément les américains qui se sentent mis à l’écart.

Otsuki demande alors un délai de trois jours pour définir sa position.

Il s’isole dans un bureau voisin et passe son temps au téléphone, avec ses collaborateurs restés à Akashi.

Il échange de nombreux télex avec l’usine.

Au terme de ce délai, la réunion reprend en début de matinée.

Otsuki maintient que le meilleur choix réside dans un quatre cylindres en ligne.

Il s’applique à répondre à chacune des questions, en utilisant des mots simples.

Il expose le pour et le contre de chaque configuration moteur.

Il argumente sur le plan technique et financier.

Et parvient enfin à convaincre l’ensemble des participants.

La réunion se termine.

La nuit est tombée depuis longtemps …

A l’issue de cette interminable journée de travail, les américains sont impressionnés par la compétence de ce jeune ingénieur en chef, par sa patience, sa clairvoyance et par sa recherche constante de la performance.

Ils décident de lui attribuer le surnom : "HP" Otsuki.

HP pour Horse Power !

Désormais, c’est sous ce nom que sera connu et reconnu le père du moteur de la Z1.

Otsuki, devenu HP, est également satisfait :

 

Ces types adorent la moto.              Ils sont capables de comprendre et d’appréhender toutes les considérations techniques. Je n’ai jamais vu une équipe de vendeurs pareils !  Ils sont vraiment compétents. Nous devons absolument concevoir pour eux, la meilleure moto possible, le plus rapidement possible … 

Yukio HP "Horse Power" Otsuki

A la fin du mois d’août 1969, la direction de K.A.C. (Kawasaki Japon) témoigne de son entière confiance à "HP" Otsuki et suit ses recommandations : la future grosse cylindrée de la marque, désormais baptisée projet T103, sera dotée d’un moteur 4 temps 4 cylindres en ligne et cubera 900cc.

Novembre 1969 : le projet T103 est redéfini à Akashi, avec de nouveaux objectifs

- vitesse de pointe : 210 km/h

- 400 m D.A. en moins de 11’8’’

- quatre cylindres en ligne D.O.H.C. (double arbre à cames en tête)

- même objectif de poids que le projet N600, 750cc : 192 kg maxi

- cylindrée de 900cc avec possibilités de réalésage

- confort d’utilisation routière

- maintenance simplifiée

- prix de vente 1 500 dollars U.S.

La mise en oeuvre du projet T103 représente un gros risque pour le groupe Kawasaki.

T. Yamada, le responsable d’HP Otsuki, n’est pas favorable à ce projet.

 

Pour deux raisons :

1° la commercialisation d’une machine de 900cc viendrait concurrencer Harley Davidson, principal constructeur U.S., ce qui pourrait engendrer des frictions commerciales avec les Etats Unis.

L’Association des constructeurs automobiles japonais a conclu un accord non écrit, limitant à 750cc la cylindrée des motos exportées aux U.S.A.

Proposer une machine de 900cc signifierait que Kawasaki rompt délibérément cet accord.

 

2° Kawasaki est le dernier constructeur japonais à se lancer dans l’industrie moto.

L’usine n’a aucune expérience dans le développement et la fabrication de masse d’une machine routière de forte cylindrée, équipée d’un moteur 4 temps 4 cylindres. 

 

Alan Masek tente de convaincre T. Yamada :

– le segment dédié aux grosses cylindrées est en plein essor, le projet T103 proposé par Otsuki profitera pleinement de cet engouement naissant.

– les éventuelles frictions commerciales, si tant est qu’elles soient avérées, pourront être traitées entre américains, sans impliquer l’usine ni les responsables japonais. 

 

Kiyoshi Yotsumoto, Président de K.H.I., entend les arguments des américains Alan Masek, Manager Général de K.M.C. et Dave Mehney, distributeur pour le Midwest.

Yotsumoto a en outre, entièrement confiance dans son ingénieur en chef, Otsuki.

En décembre 1969, le Président de K.H.I. donne le feu vert pour la réalisation du projet T103

L'usine a pris le temps d'observer la concurrence.

Du côté de chez Honda.

Fin 1969, le projet T103 est lancé.

Comment imaginer que dans moins de trois ans, les journalistes attribueront à la Kawasaki 900 Z1 Super Four, le titre incontesté de "reine des motos" ?

Premiers tests sur le circuit de Yatabé, Japon

Février 1970.

Don Graves, responsable des ventes chez Kawasaki U.S., se rend au Japon.

Il est accompagné de deux pilotes :

- Art "the Dart" Baumman, qui sera par la suite pilote officiel Kawa U.S. pendant 7 ans

- Walt Fulton Jr. ancien pilote du championnat A.M.A.

Tous trois doivent essayer les prototypes N600 (version 750cc) sur le circuit de Yatabé.

HP Otsuki souhaite d’abord les faire rouler sur la 750cc, avant de leur soumettre plus tard, la future version équipée du moteur 900cc.

C’est la première fois qu’un constructeur japonais fait essayer un prototype à des étrangers : l’usine considère que le projet T103 est conçu pour le marché américain, en étroite collaboration avec le staff U.S. de K.M.C.

Dans le train qui relie Akashi à Tokyo, HP Otsuki montre à Don Graves la totalité des plans et des datas concernant le nouveau moteur.

Il répond à toutes ses questions et lui explique ses choix.

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Prototype N600 750 cc : de nombreuses pièces sont empruntées à la 500 Mach III.

 

Sur la piste du circuit de Yatabé, les américains testent et malmènent les trois prototypes existants, une heure durant, sous les regards anxieux des ingénieurs et des pilotes essayeurs japonais de la marque.

Depuis les stands, on entend les montées en régime des moteurs, les rétrogradages violents, les freinages à la limite ...

Dès le retour aux stands des trois motos, Otsuki interroge Don Graves pour connaître ses premières impressions.

Don Graves prend le temps d’ôter son casque.

Il sourit.

Et lui murmure à l’oreille :

 

Excellent !  Ce n’est encore qu’un prototype, mais c’est déjà mieux qu’une Honda CB 750 …  J’ai hâte d’essayer le nouveau moteur.

Pas besoin de traduction, les techniciens japonais ont compris.

Plus tard, Don Graves insiste sur l’entretien et la maintenance du moteur :

Les vendeurs de voitures ont tous des treuils pour soulever les moteurs, pas les vendeurs de motos. Un moteur de 1000cc est trop lourd pour être sorti à la main, c’est le principal reproche que font les vendeurs de CB 750 Honda à leur usine. Les interventions sur le moteur de la Kawasaki devront pouvoir être réalisées en conservant le moteur dans le cadre.

Pour les ingénieurs japonais, cela semble irréalisable.

Don Graves demeure inflexible.

Ils se concertent et finalement confirment : ils vont faire leur possible ... 

 

Au printemps 1970, deux moteurs 900 cc portant les numéros V1E-00040 et V1E-00063 tournent au banc.

Un premier prototype, connu sous le nom "Yatabe test course" est assemblé en juin 1970.

Norisama "Ken" TADA : designer génial de la 900 Z1

Otsuki a réuni autour de lui une équipe chargée de concevoir la future 900 Z1 "Super Four" :

- J. Watanabe, chef de projet

- Ben Inamura, responsable moteur

- T. Togashi, responsable châssis

- K. Tomonaga et Norimasa "Ken" Tada, designers

K.Tomonaga a déjà travaillé avec des designers américains, à Santa Barbara, sur le projet N600 (750cc).

Norimasa "Ken" Tada a travaillé quant à lui sur le projet N100 qui a donné naissance à la 500 Mach III. 

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Norimasa "Ken" Tada, designer de la Z1

Norimasa "Ken" Tada, jeune designer, se voit confier la mission de dessiner la future Z1.

Conscient de la charge et de l'importance de la mission, celui-ci se met immédiatement au travail et produit de nombreuses variantes.

designer 6

Au début du mois de mars 1971, Sam Tanegashima demande à Norimasa "Ken" Tada de réaliser une maquette à l’échelle 1.

Pour la fin du mois !

Et ce, afin de respecter le calendrier de production du projet.

Oublie toute considération financière tant que cela concerne le design de ce projet.

Sam Tanegashima à Norimasa "Ken" Tada

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Maquette de Z1 à l'échelle 1

La maquette est prête début Avril 1971.

Norimasa "Ken" Tada, se souvient très bien de ce mois de mars 1971 :

Je ne m’expliquais pas pourquoi le projet était resté à l’arrêt pendant près de trois ans. Et maintenant, on me demandait de produire une maquette en moins d’un mois : j’avais entre mes mains le sort du projet le plus important de l’histoire de Kawasaki ! J’ai suivi le concept des trois S : Sleek, Slim et Sexy (élégant, mince et sexy).  J’ai cherché à dessiner une machine différente de tout ce qui existait, notamment la 750 Honda. Le réservoir en forme de goutte d’eau est le point de départ du design de la Z1.

Norimasa "Ken" Tada, designer de la Z1

La maquette à l'échelle 1 est présentée aux responsables américains de K.M.C. dans une version blanche, immaculée afin que seul le design soit évalué, en toute objectivité.

Les américains valident immédiatement le design, au grand soulagement de Norimasa "Ken" Tada.

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Maquette à l'échelle 1 lors de sa présentation chez K.M.C. en Californie

Durant l'année 1971, la ligne de la future Z1 se précise.

Plusieurs décorations sont envisagées.

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Un premier prototype, nom de code V1, est mis en fabrication.

Il est prêt en décembre 1971.

Deux ans se sont écoulés depuis le lancement du projet T103

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Prototype V1, 1971, Japon

En novembre 1971, Kawasaki U.S. recrute le pilote essayeur américain, Bryon Farnsworth.

Il prend l'avion pour le Japon, sans rien connaître de sa mission.

Il se rend à Yatabe, sur la piste d'essai de l'usine où il rejoint Lyndon Yurikusa, responsable des essais, et les pilotes essayeurs japonais, Yamamoto et Kiyohara.

Il y découvre alors les prototypes V1.

J’ai effectué de nombreux tests sur cette machine. C’était très difficile car il fallait échapper aux médias. Souvent, je devais rouler de nuit. Nous devions aussi utiliser des machines des marques concurrentes, afin d’avoir des points de comparaison, mais la Z1 était vraiment supérieure. Je me souviens avoir tourné en 1"28' sur le circuit de Yatabe, soit 228 km/h de moyenne, avec une vitesse de pointe de 230 km/h dans les lignes droites. Avec Yamamoto, surnommé "Big Eyes", l’autre piloteur essayeur, nous partions avec les motos sur les petites routes dans les collines, derrière l’usine d’Akashi. Parfois, nous rentrions à l’usine par les chemins de terre, ce qui nous permettait de vérifier les capacités de la Z1 en tout-terrain …

Akihiko Kiyohara, pilote essayeur Kawasaki 

Printemps 1972. 

Avant de lancer la mise en production, Lyndon Yurikusa, responsable des essais, se rend aux Etats Unis avec son équipe de pilotes essayeurs :

- les japonais Kiyohara et Yamamoto

- l'américain Bryon Farnsworth.

Ils sont rejoints par le pilote anglais Paul Smart, récemment recruté par Kawasaki.

Smart ne vient pas seul.

Il est accompagné de son épouse et d'une amie, la compagne de Barry Sheene !

Le groupe ainsi constitué réalise une campagne de tests, grandeur nature, avec trois machines de pré-production, estampillées V1 - l'appellation Z1 sera réservée aux machines de série.

Ils traversent les Etats Unis quasi incognito, depuis Santa Ana, Californie jusqu’à Daytona Beach, Floride.

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L'un des prototypes V1 siglé et peint aux couleurs Honda

Les machines ont été repeintes aux couleurs du concurrent Honda !

Les tests s’achèvent en mai 1972, sur le circuit de Talladega, Alabama, avec les deux machines restantes - une moto a été endommagée par l’un des essayeurs japonais.

Les pilotes essayeurs ont pour mission de rouler à fond avec les motos, entre deux ravitaillements en carburant.

Dans ces conditions extrêmes, la température moteur grimpe et les deux motos rencontrent des problèmes mécaniques :  elles explosent leur cloche d’embrayage.

Ces derniers problèmes seront corrigés sur la série.

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Yamamoto en plein démontage, Talladega, mai 1972

En juin 1972, l'usine est prête à lancer la production de la Z1.

Kawasaki invite à Akashi, au Japon, quatre journalistes des principaux titres de la presse spécialisée U.S. pour une présentation en avant-première de la Z1 :

- Bob Braverman (Cycle Guide)

- Cook Neilson (Cycle)

- Bob Green (Motorcyclist)

- Ivan Wagar (Cycle World)

Sam Tanegashima, responsable du projet, accueille les journalistes américains.

Il leur fait visiter l’usine et leur présente la toute nouvelle 900 Z1 "Super Four".

Les journalistes U.S. sont enthousiastes et demandent à prendre des photos.

Tanegashima les y autorise mais leur impose d’attendre la rentrée de septembre 1972, pour les publier dans leurs magazines respectifs.

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Séance photo à l'usine d'Akashi, juin 1972

Lors de cette visite, chacun des journalistes se voit offrir une Z1.  Chaque moto est accompagnée d'une clef de contact plaquée or !

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La clef plaquée or de la Z1 offerte à Cook Neilson, rédacteur en chef de la revue Cycle
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La Z1 en version production dans l'usine d'Akashi : les emblèmes des caches latéraux ne sont pas présents.

Août 1972.

La chaîne de production des Z1 démarre sur le site d’Akashi.

L’usine est conçue pour une capacité de production de 500 unités par mois.

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Chaîne d'assemblage des 900 Z1, usine d'Akashi, 1972

Dès septembre 1972, la production mensuelle dépasse la capacité initiale de l'usine. 

En réalité, la production des Z1 va constamment augmenter, pour culminer à 3660 unités par mois (novembre 1974), soit plus de 8 fois les objectifs initiaux !

L’usine rencontre rapidement des difficultés au niveau de la production des moteurs. A l’inverse des moteurs 2 temps, la fabrication des principaux éléments des moteurs de Z1 – culasse, bloc-cylindres, vilebrequin, arbres à cames, carters moteur – doit être entièrement réalisée sur place, à l’usine d’Akashi, afin d'effectuer les contrôles de qualité indispensables. Pour augmenter sa capacité de production, l’usine commande de nouvelles machines-outils qui tardent à arriver. Elle doit également faire face à des problèmes de maintenance des machines-outils existantes, prévues pour fournir 500 unités par mois et que l’on soumet rapidement à un rythme de 2500 unités par mois.

Y.  Takehana, ingénieur en chef

14/16 septembre 1972 : présentation mondiale au salon I.F.M.A. de Cologne

La présentation officielle de la Z1, en exclusivité mondiale, a lieu du 16 au 19 septembre 1972, au Salon de Cologne, Allemagne de l'Ouest.

Pourtant, dès juillet 1972, Moto Revue diffuse une photo officielle de l'usine et fait fuiter les principales caractéristiques de la future grosse Kawa.

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Dans leur numéro de rentrée, les magazines U.S. publient les photos qu'ils ont prises en juin, lors de la visite au Japon de leurs journalistes.

Les articles sont enthousiastes.

La Z1, vedette des salons européens

Octobre 1972, Paris : Xavier Maugendre, P.D.G. de la SIDEMM, accueille le nouveau premier ministre M. Pierre Messmer.

Janvier 1973, Earl's Court, London.

La moto est siglée Kawasaki sur les caches latéraux. 

24 février/ 4 mars 1973, Europahal, Amsterdam

La moto est siglée 900 DOHC sur les caches latéraux (Henk Vink Shop + outdoor). 

Les 20 000 exemplaires du premier millésime sont quasiment tous pré-vendus

La commercialisation s’effectue aux Etats Unis à partir de novembre 1972.

La Z1 est proposée au tarif de 1 895 dollars U.S.

 

En France, la Z1 est vendue 14 580 F.

La moto est annoncée dans les concessions pour le mois de janvier 1973.

 

A l’instar du marché français, les autres marchés, Europe, Australie, … sont approvisionnés à partir des premières semaines de 1973.

Quel que soit le pays, les 20 000 exemplaires du premier millésime sont quasiment tous pré-vendus.

 

Aux Etats-Unis comme en Europe, les concessionnaires sont mêmes amenés à vendre leurs motos d’essai.

La marque et ses réseaux de distribution sont rapidement confrontés à de nouveaux problèmes :

- montée en puissance des commandes

- allongement des délais de livraison

- manque de pièces détachées

Et cela pour de nombreux mois.

European Z1
European Z1

La 900 Z1 : première Superbike de l'histoire 

 

Le succès de la Kawa 900 se confirme au fil des années et des millésimes :

Z1 1973 : 19 999 unités

Z1A 1974 : 27 499 unités

Z1B 1975 : 38 149 unités

Z 900 A4 1976 : 31 360 unités (production Japon)

KZ 900 A4 1976 : 10 340 unités (production U.S.A.)

KZ 900 LTD 1976 : 5 514 unités (U.S.A.)

KZ 900 A5 1977 : 5 238 unités (U.S.A.)

A partir de 1976, l'entrée en vigueur de nouvelles normes anti-pollution entraîne les premières modifications d'importance : carburateurs, filtre à air, échappements.

Sans altérer le niveau des ventes.

 

A partir de 1977, la 900 laisse place à la Z 1000 produite jusqu'en 1980 sous différentes appellations : Z1000 A1, Z1000 A2, 1000 Z1-R, 1000 MK2, 1000H, 1000ST.

 

Le moteur 4 temps 4 cylindres à 2 soupapes par cylindre, refroidi par air, sera encore utilisé quelques années : 1000 J, 1000 R, 1100 GPZ, 1100 GPZX.

Il est remplacé en 1984 par un nouveau bloc à 4 soupapes par cylindre et refroidissement liquide.

Une nouvelle reine est née : la GPz900R Ninja.   

Akashi, 1974
Akashi, 1974

Des Kawa "made in America" 

A partir de 1971, le Yen, jusque-là sous-évalué, s’apprécie considérablement par rapport au dollar U.S.

Le gouvernement japonais procède à plusieurs dévaluations sans parvenir à enrayer la tendance.

Pour cette raison, Kawasaki décide de s’engager dans un nouveau projet : produire des Kawasaki sur le sol américain.

La décision est prise en Novembre 1971, par Kiyoshi Yotsumoto, Président de K.H.I.

Le projet représente le plus gros investissement de K.H.I. hors Japon.

Malgré l’opposition de certains dirigeants du groupe à Tokyo et à Akashi, un budget de 26 millions de dollars U.S. (152 millions de dollars de nos jours) est débloqué.

Le projet est mené conjointement par Sid Saïto et Stan Esbanshade, ce dernier est nommé "American Plant Manager".

L’usine Kawasaki, implantée à Lincoln dans le Nebraska est inaugurée en novembre 1974.

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Usine de Lincoln, Nebraska, 26 janvier 1975

L'usine Kawasaki de Lincoln représente l’aboutissement du concept "go native", témoignant de la collaboration entre japonais et américains.

Kawasaki devient le premier constructeur moto japonais à produire sur le sol américain.

Il faudra attendre encore cinq années pour que la concurrence japonaise, en l'occurrence Honda, lui emboîte le pas.

A partir de Novembre 1974, 110 employés travaillent sur la fabrication des cadres, des bras oscillants et des réservoirs des futures KZ 400 "made in USA".

La production démarre réellement début 1975.

Le 26 janvier à 10 H, la première Kawasaki fabriquée aux Etats Unis sort de la chaîne de montage de l’usine de Lincoln.

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Usine de Lincoln, Nebraska, 26 janvier 1975 : 1ère Kawasaki produite sur le sol U.S.

Il s'agit d'une KZ 400 de couleur bleue, portant le numéro de série 500 001.

Comme toutes les Kawasaki fabriquées aux Etats Unis, elle porte un numéro de série commençant par 5.

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Kawasaki souhaite se diversifier. 

A partir de mars 1975, l'usine de Lincoln démarre la production de la gamme Jet Ski, sur un rythme équivalent à celui des KZ 400 (500 unités/mois).

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Le projet Jet Ski a été initié en Mars 1972.

Le premier prototype a été prêt en Novembre 1974.

Des essais secrets ont été effectués sur des lacs, dans le Nebraska.

Le modèle produit dans l’usine de Lincoln à partir de 1975, est équipé d’un moteur 2 temps de 398cc.

Des 900 "made in America" 

Le 1er octobre 1975, l'usine de Lincoln, qui emploie alors 300 personnes, lance la production de la nouvelle KZ900, commercialisée en 1976.

Remaniée par rapport à l’ancienne 900 Z1B de 1975, la KZ900 répond aux nouvelles normes anti-bruit et anti-pollution en vigueur dans l’Etat de Californie, qui représente à lui seul 20 % des ventes du marché américain.

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Usine de Lincoln, Nebraska, KZ 900 Brown, 1976

A cette époque, l’usine de Lincoln assemble sur place des parties-cycles.

Mais elle reçoit encore des moteurs complets montés à Akashi au Japon.

En 1976, l’usine de Lincoln produit 10 340 exemplaires de KZ900, destinés au marché nord américain.

La même année, l’usine d’Akashi produit 31 359 exemplaires du même modèle, destinés au reste du monde - quelques Z900 A4 produites au Japon seront commercialisées aux U.S.A.

L’usine de Lincoln produit également des 900 LTD (à hauteur de 5 514 unités), version Custom de la KZ900 et réservée au seul marché U.S.

La 900 Z1P "Special Police" popularisée par la série TV  C.H.I.P.S.

Dès 1973, K.M.C. envisage de produire une version "Special Police", destinée au marché U.S.

Les premières machines voient le jour sur la base de 900 Z1A et 900 Z1B.

Elles sont destinées à la Police du Texas.

La production de motos sur le sol américain permet à Kawasaki de soumissionner directement aux marchés publics. 

L’usine produit alors une version Z1P "Special Police" de la KZ900.

En 1975 plusieurs états passent une première commande : Californie (137 unités en 1975), Floride, Texas.

Cette version est vite popularisée par la série TV "C.H.I.P.S." qui met en scène des policiers de Los Angeles (L.A.P.D.) sur leurs Kawasaki Z1P.

D'autres Z1P seront vendues hors U.S.A., notamment à la police australienne.

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Kawasaki 900 Z1P "Special Police"

Si ce n’était pour les U.S.A., nous aurions dû cesser la production de motos. L’effort de l’usine pour le seul marché japonais eût été trop important pour être rentable.

Kiyoshi Yotsumoto, Président de K.H.I.

Il fait 20° à Lincoln, Nebraska, en ce matin de juillet 1976.

Kiyoshi Yotsumoto, Président de K.H.I., prend la parole à l’occasion du dixième anniversaire de K.M.C., la filliale américaine de Kawasaki. 

A ses côtés, le Gouverneur du Nebraska, les responsables japonais et américains de K.M.C.

Face à lui, l’ensemble des personnels de l’usine Kawasaki de Lincoln, les revendeurs et les distributeurs de la marque aux U.S.A. réunis pour l’occasion.

En 1976, 80% de la production de Kawasaki est destinée au marché nord américain

Vous voyez, ceci n’est pas une histoire ordinaire. En 1965, les six premières Kawasaki débarquent sur le sol U.S. Elles sont expédiées et vendues dans le Nebraska. Dix ans plus tard, c’est dans ce même état du Nebraska que Kawasaki implante sa toute nouvelle usine. Elle y produit des Z900 "Made in America". Qui aurait pu l’imaginer ?

Yoj Halawaki, Vice-President Kawasaki Motors Corporation

 

 

 

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En 1969, Kawasaki occupe environ 2% de parts du marché U.S.

En 1973, Kawasaki dépasse Suzuki (13% de parts du marché U.S.)

En 1975, Kawasaki dépasse Yamaha et prend la 2e place sur le marché U.S. avec 17% de parts de marché.

En 1977, Kawasaki vend 200 000 motos aux U.S.A. pour un chiffre d'affaire de 250 millions de dollars U.S.

Norisama "Ken" Tada en 2016
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